


Le projet de recherche « De l’observation isolée au savoir partagé: négociations discursives et construction du véritable invisible dans les sciences naturelles entre 1740 et 1840 » (FNS, 2015-2018) s’intéressait à la naissance de la microscopie sous l’angle du langage. Il faut s’imaginer un nombre très restreints de savants maniant un instrument nouveau, peu commun, pas encore stable. Certains fabriquent des microscopes «maison» à partir de simples loupes. Des instruments plus complexes voient le jour, mais les modèles, comme les lentilles, sont variés. Et la vision de l’infiniment petit est nouvelle. On peut certes observer des objets qu’on voit à l’œil nu pour en agrandir les structures, mais ce faisant, on découvre également des détails inédits, des objets mouvants, qui semblent vivants, et qu’on ne sait comment définir et comprendre. Comment décrire ces observations, quel nom attribuer à une particule s’agitant dans du liquide? Son mouvement est-il spontané? A quel règne la rattacher? Et sans mots dédiés, comment faire voir aux quelques rares détenteurs de microscopes (différents du sien) ce que l’on souhaite montrer?
Cette expérience très concrète de confrontation à l’invisible, c’est la confrontation à une étrangeté radicale, un vide conceptuel; l’arrêt, même, pour un temps, de la capacité à penser: extra-ordinaire, la « chose » à laquelle on se confronte étonne, émerveille, effraie, ou rend impossible toute compréhension. La conséquence de cette première vision, pour l’observateur, est une interrogation, un élan de recherche souvent obstiné, une volonté de décrypter et de s’approprier l’objet à force d’expériences et d’observations, pour lui donner un sens. La nouveauté observée, pour sa part, quitte son statut d’existant ignoré, allant son histoire hors de toute inscription – sans histoire(s), donc; elle sera désormais vouée à être enregistrée, manipulée, intégrée, transformée et, souvent, détruite.
Quelques publications
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Avec Evelyn Dueck (direction d’ouvrage), Entre l’œil et le monde : dispositifs d’une nouvelle épistémologie visuelle dans les sciences de la nature (1740-1840), Actes du colloque international de Neuchâtel, 4-6 novembre 2015, éditions Épistémocritique, 2017, ouvrage électronique [En ligne].
- *« Seeing and telling the invisible: problems of a new epistemic category in the second half of the eighteenth century », Intellectual History Review, March 2023. [En ligne]
- *« La fabrique d’une évidence : transmutation et végétation dans les Nouvelles observations microscopiques de J. T. Needham (1750) », dans L. Dahan-Gaida (dir.), Eurêka!. Récits savants de découverte et d’invention, Paris, Hermann, 2022, p. 221-240.
- *« Les dangers de la métamorphose », dans Juliette Azoulai, Azélie Fayolle et Gisèle Séginger (dir.), Les métamorphoses, entre fiction et notion. Littérature et sciences (XVIe-XXIe siècles), LISAA Editeur, coll. « Savoirs en textes », 2019, p. 55-71. [En ligne]
- *« Divertissement utile ou vain amusement ? La science microscopique dans l’ Encyclopédie », dans Justine de Reyniès (dir.), L’amateur à l’époque des Lumières, Liverpool, Liverpool University Press, Oxford University Studies in the Enlightenment, 2019, p. 275-293. [pdf]
- *« Introduction », dans Nathalie Vuillemin et Evelyn Dueck, Entre l’œil et le monde : dispositifs d’une nouvelle épistémologie visuelle dans les sciences de la nature (1740-1840), Actes du colloque international de Neuchâtel, 4-6 novembre 2015, éditions Épistémocritique, 2017, p. 5-17. [pdf]
- *« Apprendre à voir, apprendre à dire », Arts et Savoirs [En ligne], 8 | 2017, mis en ligne le 20 avril 2017. [En ligne]
- Avec Evelyn Dueck (direction d’ouvrage), Der Augen Blödigkeit. Sinnestäuschungen, Trugwarhnehmung und visuelle Epistemologie im 18. Jahrhundert, Heidelberg, Winter, 2016.
Images: Nicolas Hartsoeker, Essay de dioptrique, 1694; Robert Hooke, Micrographia, 1665; Pierre Lyonet, Traité anatomique de la chenille qui ronge le bois de saule, 1760.